Hirsch, la plus alsacienne des bières allemandes
La brasserie Hirsch, installée à Wurmlingen dans le Bade-Wurtemberg, a été fondée en 1782
Bible, Coran, Torah : les religions ont leur livre saint. Eh bien, la bière, en Allemagne, aussi ! Le « Rheinheintsgebot ». Rédigée en 1516, cette « recette » fait toujours force de loi en Allemagne. Elle n’autorise que quatre aliments dans la bière : l’eau, le malt, le houblon et la levure. « Pas question de déroger à cette règle. De plus, nous sommes très attachés à la qualité gustative et à la proximité de nos ingrédients de base. Orge, blé, houblon : tout provient d’agriculteurs situés dans un rayon maximum de 150 km autour de Wurmlingen », indique Gabi Lemke, la propriétaire de la brasserie Hirsch qui aime à se présenter comme « Eine Brauerei mit Gesicht » ou « Eine Brauerei mit Humanismus », une brasserie avec des visages, une brasserie humaniste.
Le patriarche de l’établissement, Rainer Honer, 85 ans, père de Gabi Lemke, la propriétaire de la brasserie Hirsch, et le directeur général, Hubert Hepfer
Un humanisme qu’incarne particulièrement le patriarche de l’établissement, Rainer Honer. Père de Gabi Lemke, Rainer Honer avait lui même succédé à son père à la tête de l’entreprise en 1961. Âgé de 85 ans aujourd’hui, l’homme est intarissable, tant sur l’histoire de la brasserie que sur son avenir. De 1782, date de la fondation de la brasserie Hirsch, jusqu’à nos jours, Rainer Honer retrace, par moult anecdotes, la grande aventure de la brasserie de Wurmlingen dont l’essor remonte au XIXe siècle quand la grande ville voisine de Tuttlingen connaissait un développement industriel.
Instruments chirurgicaux…
« Hirsch a été créée en 1782 par un architecte qui a ensuite disparu de la circulation, mais qu’on retrouve deux ou trois ans plus tard à la brasserie Rothaus (également située en Forêt-Noire). Ce qui a conduit au développement de Hirsch, c’est… la découverte de cristaux de fer et de quartz dans la région. Ces métaux ont en effet permis à Tuttlingen de spécialiser son industrie dans la fabrication d’instruments chirurgicaux. Aujourd’hui encore, on a coutume de dire que pas une salle d’opération de tous les hôpitaux du monde ne dispose pas d’un instrument fabriqué à Tuttlingen.
L’effigie du cerf remonterait au temps de la fondation de la brasserie
À l’époque, l’augmentation de la population de la ville a favorisé le développement de la gastronomie. À compter des années 1870, le restaurant-brasserie Hirsch a commencé à grandir et à se transformer en brasserie industrielle. En 1898, par le biais d’un mariage, celui de mon grand-père Heinrich Honer, notre famille devient propriétaire de l’établissement », raconte Rainer Honer.
Le chiffre : 130 000
130 000 hectolitres de bières et 30 000 litres de boissons non alcoolisés (des limonades essentiellement) sont produits chaque année par la brasserie Hirsch. 70 % de la production sont acheminés dans le Bade-Wurtemberg dans un rayon de 70 km autour de la brasserie. Entre 30 et 40 % de cette production sont conditionnés en fûts, 60 à 70 % en bouteilles qui sont toujours de couleur brune afin de limiter l’impact de la lumière sur la qualité de cette bière non pasteurisée. La brasserie Hirsch emploie 100 salariés.
130 000 hectolitres de bières et 30 000 litres de boissons non alcoolisées sont produits chaque année
Depuis, Hirsch est devenu un des fleurons brassicoles allemands. Toujours implantée au centre du village de Wurmlingen (4 000 habitants), la brasserie puise l’eau dans la nappe phréatique du Danube grâce à une source située au centre de l’usine. Les maîtres brasseurs sont aussi des maîtres du temps : les bières Lager et Weissen développent tous leurs arômes en cuves durant plusieurs semaines. Aucune bière n’est pasteurisée. Et à la sortie d’une chaîne d’embouteillage ultramoderne, la brasserie Hirsch achemine elle-même ses produits chez ses clients. Ses clients, Rainer Honer les connaît d’ailleurs chacun par leurs noms et prénoms et il se plaisait, alors qu’il était encore plus jeune, à les visiter à… bicyclette !
Maintien de la consigne
Bien entendu, Hirsch tient absolument à ce que toutes ses bières soient conditionnées en fûts et en bouteilles consignés. Alors qu’il était président du syndicat des brasseries moyennes allemandes, Rainer Honer avait d’ailleurs fait du maintien de la consigne l’un de ses plus farouches combats. Remporté avec brio. « Es gibt noch viel zu tun für die Umwelt » (il reste beaucoup à faire pour l’environnement), dit encore aujourd’hui le patriarche de cette brasserie.
Une philosophie largement partagée par sa fille Gabi Lemke et le directeur général Hubert Hepfer. Pas question pour eux de se faire mousser au-delà du raisonnable. Tous deux expliquent en effet « ne pas vouloir expédier la majorité des produits Hirsch au-delà d’un rayon de 70 km autour de Wurmlingen ». Par chance, l’Alsace y figure ! C’est d’ailleurs le seul marché à l’export développé par la brasserie Hirsch. Et avec succès.
« Carnaval », la bière de saison
En ce mois de février, la brasserie Hisrch commercialise surtout la bière de carnaval, également appelée « Hopfen Sau ». Le nom de cette bière fait référence à la grande tradition carnavalesque du village, producteur de houblon de Tettnang près du lac de Constance, là où précisément s’approvisionne Hirsch. Dans ce village, la Hopfen Sau était le titre qui honorait la personne qui ramassait la dernière guirlande de houblon et se trouvait ainsi désignée reine du carnaval. Par analogie à cette tradition, sur les bouteilles de Hirsch Carnaval, le traditionnel cerf est remplacé par une… truie.
La bière commercialisée en ce mois de février est appelée « Hopfen Sau »
D’ailleurs, pour rester dans le domaine animalier, beaucoup posent la question « Pourquoi un cerf ? » Personne ne le sait vraiment. Selon Gabi Lemke, cela remonte sans doute au temps de la fondation de la brasserie. Peu de gens savaient alors lire et on a utilisé les symboles des animaux pour différencier les enseignes des établissements.
Christophe Schoenlé : le « Monsieur Hirsch » en Alsace
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Source : © L'Alsace / DNA - 6 février 2023 - Julien STEINHAUSER - Photos L’Alsace/Hervé KIELWASSER
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